Bail rural et une petite parcelle : des locations pas forcément antinomiques
Publié le :
10/01/2020
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Selon l’article L 411-1 du Code Rural toute mise à disposition, à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole, en vue de l’exploiter pour exercer une activité agricole, constitue un bail rural.
Cette disposition est d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut y être dérogé, dès lors que les critères exigés sont réunis.
En revanche, l’article L 411-3 du Code Rural prévoit que le statut du fermage ne s’applique pas pour les parcelles d’une petite superficie, ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d’une exploitation agricole.
L’objectif du législateur est donc de n’accorder une protection qu’au projet d’un certain intérêt économique, laissant le soin aux Commissions consultatives des baux ruraux, de définir par département les seuils d’application du statut.
Il est donc possible de concevoir qu’un propriétaire consente concomitamment un bail article L 411-1 du Code Rural sur différentes parcelles et une location article L 411-3 sur un petit terrain qu’il se réserve de reprendre.
Ainsi, pourra-t-il récupérer à tout moment, une parcelle inférieure par exemple à 5.000 m2 qui devient constructible, sans devoir d’indemnité à l’exploitant.
Mais ce faisant, ne contournerait-il pas le statut du fermage ?
La Cour de Cassation répond par l’affirmative dans un Arrêt du 12 décembre 2019 (3ème Chambre Civile n° 18-11.056).
Elle casse la décision d’une Cour d’Appel ayant débouté un preneur titulaire d’un bail rural, qui s’était vu concédé le même jour par son propriétaire, un bail sur une petite parcelle, et avait à la réception d’un congé pour cette dernière, saisi le Tribunal Paritaire en sollicitant son annulation et la reconnaissance d’un bail de 9 ans équivalent à celui le liant au même bailleur pour les autres parcelles louées.
La Cour d’Appel n’aurait pas dû décider que le preneur n’établissait pas l’intention du bailleur d’échapper au statut du fermage, qu’il n’ignorait d’ailleurs pas la situation particulière du terrain implanté dans une zone partiellement urbanisée, et que la seule concomitance de date des deux baux, verbal pour l’un, notarié pour l’autre, sur des parcelles distantes de quelques centaines de mètres, n’était pas critiquable.
La Cour suprême reproche à l’arrêt d’appel de n’avoir pas recherché ni caractérisé l’existence dans les prévisions des parties d’un projet concret de changement de destination de la parcelle de nature à justifier la renonciation par l’exploitant agricole aux dispositions impératives du statut des baux ruraux.
En d’autres termes, la renonciation par l’exploitant agricole aux dispositions impératives du statut des baux ruraux, ne se présume pas.
La charge de la preuve de démontrer qu’il y a bien renoncé, incombe au bailleur qui délivre le congé.
Il faut donc retenir qu’il est particulièrement périlleux de conclure plusieurs baux, concomitamment, qui ne seraient pas de même nature, sauf à ce qu’ils soient transcrits par écrit et motivés sur l’intention exacte des parties, avec la mention du preneur une fois ces droits nés, qu’il y renonce ou s’abstiendra de les invoquer.
Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône
Spécialiste en droit rural, qualification spécifique droit de la vigne et du vin
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